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L’apiculture est l’art de cultiver les abeilles dans le but de retirer de cette industrie le maximum de rendement avec le minimum de dépenses.
Or, les abeilles produisent des essaims et des reines, de la cire, du miel.
La production des essaims et des reines doit être réservée aux spécialistes.
La production de la cire a quelque importance, mais diminuée par les frais de sa fonte.
La production du miel est le principal but de l’apiculture, celui que vise avant tout l’apiculteur, parce que ce produit est important et qu’il peut être pesé, estimé.
Or, le miel est un excellent aliment, un bon remède, le meilleur des sucres. Nous le redirons plus longuement. Et ce miel, on peut le vendre, comme on peut le consommer sous bien des formes : en nature, en confiseries, en pâtisseries, en boissons hygiéniques et agréables : hydromel, cidres sans pommes, vins sans raisins.
L’apiculture est aussi, il faut le noter, un travail passionnant, qui repose par conséquent l’esprit et même le corps.
L’apiculture est encore un travail moral, puisqu’il éloigne du café et des mauvais lieux et qu’il met sous les yeux de l’apiculteur l’exemple du travail, de l’ordre, du dévouement à la cause commune.
L’apiculture est en plus un travail souverainement hygiéniqueet bienfaisant, car ce travail se fait le plus souvent en plein air, par beau temps, au soleil. Or, le soleil est l’ennemi de la maladie puisqu’il est le maître de la sève et de la force. Le docteur Paul Carton a écrit : « Ce qu’il faut, c’est enseigner à la génération qui vient la haine de l’alcool, le mépris de la viande, la méfiance du sucre, la joie et la haute valeur du mouvement. »
Car l’homme est un composé. Son corps a besoin d’exercice ; sinon il s’atrophie. Son intelligence a également besoin d’exercice ; sinon elle s’annihile. L’intellectuel va à la déchéance physique. L’ouvrier, derrière sa machine, va à la déchéance intellectuelle.
Le travail de la terre est celui qui répond le mieux aux besoins de l’homme. L’intelligence et le corps y trouvent leur part.
Or, dans une société, il faut des intellectuels, des employés de bureau, des ouvriers pour conduire les machines. Évidemment ces hommes ne peuvent conduire une ferme. Mais aux heures libres (et ils doivent en avoir), ils peuvent jardiner et faire de l’apiculture et ainsi satisfaire aux besoins de leur nature.
Ce travail vaudrait mieux que tous les sports modernes avec leurs excès, avec leurs promiscuités, avec leurs nudités.
Si les Français retournaient ainsi à la terre, ils seraient plus forts et plus intelligents. Et, comme l’a dit le sage Engerand, la France redeviendrait la terre de l’équilibre, où il n’y aurait ni les fièvres, ni les folies collectives si néfastes aux hommes, elle redeviendrait un pays de mesure et de clarté, de raison et de sapience, une contrée où il fait bon vivre.
Et puis n’oublions pas le mot d’Edmond About : « Le seul capital éternel, inusable et inépuisable, c’est la terre. »
Enfin, et c’est une chose importante, l’abeille féconde les fleurs des arbres fruitiers. L’apiculture contribue, par conséquent, pour une large part, à remplir notre fruitier. Cette raison seule devrait suffire pour pousser à l’apiculture, tous ceux qui ont le moindre coin de verger.
D’après Darwin, la fécondation d’une fleur par elle-même n’est pas la règle générale. La fécondation croisée qui intervient le plus communément est nécessitée, soit par la séparation des sexes dans les fleurs ou même sur des pieds différents, soit par la non-coïncidence de la maturité dans le pollen et dans le stigmate ou par des dispositions diverses qui empêchent une fleur de se féconder elle-même. Il en résulte que bien souvent, si une cause étrangère n’intervient pas, nos plantes ne donneront pas de fruits ou en donneront beaucoup moins ; de nombreuses expériences l’ont démontré.
Or, l’abeille, comme le dit si bien M. Hommell, l’abeille, attirée par le nectar sécrété à la base des pétales, pénètre jusqu’au fond des enveloppes florales pour se repaître des sucs élaborés par les nectaires et s’y couvre de la poussière fécondante que les étamines laissent tomber sur elle. La première fleur épuisée, une seconde offre à l’infatigable ouvrière une nouvelle moisson ; le pollen qu’elle porte tombe sur le stigmate et la fécondation qui, sans elle, serait livrée aux hasards des vents, s’opère d’une manière certaine. Poursuivant ainsi sans relâche sa course, l’abeille visite des milliers de corolles et mérite le nom poétique, que Michelet lui donne, de pontife ailé de l’hymen des fleurs.
M. Hommell essaie même de chiffrer le bénéfice qui résulte de la présence des abeilles. Une colonie, dit-il, qui ne dispose que de10 000 butineuses doit être considérée comme atteignant à peine la moyenne et une famille très forte logée en grande ruche en possède souvent 80 000. Supposons que 10 000 butineuses sortent chaque jour 4 fois ; en 100 jours cela fera 4 millions de sorties ; si chaque abeille, avant de revenir au logis, entre seulement dans 25 fleurs, les abeilles de cette ruche auront visité dans le cours d’une année 100 millions de fleurs. Il n’est pas exagéré de supposer que, sur 10 de ces fleurs, une seule au moins soit fécondée par l’action des butineuses et que le gain qui en résulte soit de 1 centime seulement par 1 000 fécondations. Eh bien, malgré des évaluations si minimes, il ressort un bénéfice de 100 fr. par an produit par la présence d’une seule ruche. Cette conclusion mathématique est sans réplique.
Certains producteurs de fruits, des viticulteurs surtout, s’élèvent contre les abeilles, parce qu’elles vont sucer le jus sucré des fruits et des raisins. Mais si l’on examine attentivement l’abeille, on s’aperçoit vite qu’elle délaisse les grains intacts et qu’elle ne vide que ceux dont la pellicule a déjà été perforée par les oiseaux ou les mandibules puissantes des guêpes. L’abeille ne recueille qu’un suc qui, sans elle, se dessécherait en pure perte. L’abeille est même dans l’impossibilité absolue de commettre le vol dont on l’accuse : les pièces masticatrices de sa bouche ne sont pas assez puissantes pour lui permettre de perforer la pellicule qui protège la pulpe.
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