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La ruche Dadant contient douze cadres. Les cadres ont les dimensions suivantes : hauteur : 0,266 ; longueur : 0,42 ; ses hausses ont des demi-cadres.
Aussitôt son apparition, la ruche Dadant eut un grand succès.
Un grand désabusé a dit des Français : « Légèreté, inconstance, passion pour la nouveauté et pour la mode, qu’ils suivent aveuglément dans les choses les plus sérieuses comme dans les plus frivoles. » Un diplomate a dit aussi : « Les Français sont de grands enfants qui acceptent sans contrôle les dires d’autrui, surtout de l’étranger. »
Et un historien a écrit : « Les Français ont la manie d’exalter ce qui vient du dehors aux dépens de ce qu’ils ont chez eux. »
Or, si Dadant était d’origine française, il habitait l’Amérique. D’ailleurs, la ruche Dadant que nous employons n’est pas celle qu’utilisait Dadant. Et Dadant était un fabricant de cire gaufrée plus qu’un apiculteur. Personne ne s’en est préoccupé.
D’ailleurs, la ruche Dadant offrait une affaire à exploiter. Des maisons se sont créées et multipliées. Elles ont toutes recommandé la ruche Dadant qui les faisait vivre. Avec la ruche vulgaire elles n’auraient guère eu de fournitures à faire.
Enfin, il faut le reconnaître, la ruche Dadant permettait de se servir de l’extracteur, invention dont l’utilité est incontestable. On ne prévoyait pas qu’avec quelques modifications, on pourraitemployer l’extracteur pour l’extraction du miel des ruches à rayons fixes.
Les dimensions de la ruche Dadant exigent évidemment plus de bois qu’une ruche de 0,30 x 0,30. Or, le bois coûte cher.
De plus, au printemps, quand la colonie veut allonger son couvain, elle doit chauffer la ruche sur une surface de 2 000 cm2 au lieu de 900 comme dans notre ruche. Or, le miel est le seul combustible de l’abeille. D’où surmenage de l’abeille et consommation supplémentaire des provisions hivernales.
Certains considèrent le cadre comme nécessaire pour la surveillance de la ruche, pour le traitement des maladies, pour l’extraction du miel.
Or, je considère le cadre comme une des principales causes des maladies. En facilitant les visites, il les multiplie, d’où fatigue des abeilles pour rétablir la température de la ruche, d’où affaiblissement de la race et plus grande aptitude à contracter les maladies. Pas besoin de cadre pour voir l’état des provisions. Si, à l’automne, on a laissé les provisions nécessaires, il n’y a plus lieu de s’en occuper.
Pas besoin de cadres pour voir l’état de la colonie. Si les abeilles apportent du pollen, il y a reine et couvain. Tout va bien.
Le nombre des entrées et sorties indique la force de lacolonie.
S’il y a une grande diminution du nombre des sorties, il est préférable de supprimer la colonie que l’on remplacera par un essaim ou une chasse. Si dans cette suppression on constatait une mauvaise odeur ou la pourriture du couvain, il y aurait lieu de désinfecter la ruche par le feu ou l’eau de Javel. C’est plus économique que tous les traitements préconisés qui ne conviennent qu’aux savants qui font des études.
Pas besoin, non plus, de cadres pour l’extraction du miel. Nous avons des cages qui permettent l’extraction des rayons fixes au moyen de l’extracteur. Avec ces cages le rayon fixe tient et résiste au moins aussi bien que le cadre.
Et puis, les partisans du cadre doivent le reconnaître, combien de temps la ruche à cadres garde-t-elle ses cadres mobiles quand elle est sortie de la menuiserie ? Deux ans au plus. Car la plupart des apiculteurs ne font pas le nettoyage de printemps et les cadres sont vite collés entre eux et avec les parois de la ruche. Alors pourquoi des cadres ?
En tout cas, comme tout cadre, le cadre Dadant demande un rabotage finement fait pour faciliter son nettoyage à la visite de printemps. De plus, il exige une grande précision. Il faut laisser un vide de 0,0075 entre les parois de la ruche et les cadres, et le maintenir. S’il y a un vide de 0,005, les abeilles le rempliront de propolis. S’il y a un vide de 0,01, les abeilles y construiront des rayons, car les abeilles ont horreur du vide. Dans les deux cas, les cadres cesseront d’être mobiles. Cette précision augmente le prix de revient de la ruche.
De plus, la ruche Dadant a un cadre long et bas. Dix-huit kg de miel réparti entre 12 cadres ne fourniront guère plus d’un kgaux cadres du milieu. Il n’y aura même du miel que dans les angles, rien au milieu. Les abeilles pour hiverner se grouperont sur le miel des angles, en avant ou en arrière de la ruche, du côté du soleil. Quand les abeilles auront consommé tout le miel qui se trouve au-dessus de leur groupe, elles iront se placer à l’autre extrémité du cadre où il y a encore du miel. Mais si la température est basse, elles ne pourront faire ce déplacement parce qu’elles ne trouveront pas au milieu des cadres le viatique nécessaire. Elles mourront de faim à leur place à côté de provisions. Grand défaut des ruches à cadres bas et longs.
Enfin, le cadre augmente considérablement le volume de la ruche, nous en avons indiqué les inconvénients.
La cire gaufrée employée dans la ruche Dadant coûte cher. Les accessoires qu’exige sa pose coûtent cher. La pose de cette cire est minutieuse et prend du temps. La cire gaufrée constitue donc une dépense de temps et d’argent considérable et augmente le prix de revient de la ruche et, par le fait même, du miel.
Or, en dehors de la miellée, la cire gaufrée est en apport bien minime, elle n’économise que bien peu de miel et moins de temps encore, car les abeilles ne laissent pas toujours les cellules dans l’état où on les leur donne.
Pendant la miellée, et c’est le seul temps où on doit faire construire des rayons, l’apport de la cire gaufrée est plus nuisible qu’utile. La cire n’est autre que la sueur de l’abeille. Or, pendant la miellée, l’abeille sue beaucoup, car elle donne toujours le maximumd’effort dans son travail. La cire gaufrée est donc inutile à cette époque, elle est même nuisible, car elle empêche les abeilles de construire leurs rayons droits et réguliers.
Le cadre, garni de cire gaufrée, aussitôt placé dans la ruche, subit des degrés de chaleur différents de sa base à son sommet.
Il s’ensuit des dilatations différentes de la cire gaufrée et du fil de fer qui la soutient, d’où des gondolements dans le rayon. Sans cire gaufrée, les abeilles construisent leurs rayons au fur et à mesure des besoins, avec de la bonne cire (la leur) et avec l’épaisseur ordinaire du rayon. Elles le solidifient donc au fur et à mesure qu’elles l’allongent.
Voilà pourquoi nous n’employons pas la cire gaufrée. Nous nous contentons de placer une amorce de 0,005 avec de la cire brute non falsifiée.
Et nous considérons cette amorce non comme une économie de miel, mais comme un moyen d’obliger les abeilles à construire leurs rayons dans le même sens pour faciliter le travail de l’apiculteur.
Pour peupler une ruche Dadant, un essaim de 2 kg ne suffit pas, encore moins un essaim de 1,5 kg. Il faudrait un essaim de 4 kg. On ne le trouvera pas dans le commerce. Un essaim de 2 kg mettra deux ans et plus pour s’installer et donner une récolte. Dans notre ruche un essaim de 2 kg s’installera la première année et donnera une récolte trois mois après son installation.
La chambre à couvain de la ruche Dadant est recouverte deplanchettes ou de toile cirée. Or, dans toute ruche il y a de l’humidité en raison de l’évaporation du miel et de la respiration animale. Or, cette humidité, chauffée par le groupe d’abeilles, monte dans le haut de la ruche, s’arrête aux planchettes qu’elle ne peut traverser, s’étend vers les extrémités de la ruche où elle se refroidit, tombe en brouillard sur les cadres extrêmes dont elle détériore les rayons. D’où perte. Ce brouillard maintient les abeilles dans un milieu continuellement humide. Ce n’est pas hygiénique. Notre toit couvre-rayons évite cette perte et respecte l’hygiène des abeilles.
Le coussin qui recouvre la chambre à couvain de la ruche Dadant n’a que 3 à 4 centimètres d’épaisseur et il est formé par une toile en dessus et en dessous. Cette épaisseur est insuffisante pour que le coussin remplisse son rôle d’isolateur. De plus, la toile du dessus ne permet pas de voir si son contenu est toujours isolateur, car l’humidité finit tôt ou tard par l’atteindre. Nous préférons notre coussin de 0,10 non recouvert. Il est plus efficace et le renouvellement de son contenu est plus facile et plus rapide.
Il est nécessaire de visiter la ruche Dadant, comme toutes les ruches à cadres d’ailleurs, au printemps, en avril dans la région parisienne, de midi à 14 heures et par beau temps.
Car il importe que la population ne soit pas trop développée etque la température ne soit pas trop basse. La température sera toujours plus basse que celle de la ruche. C’est pourquoi il est recommandé de procéder rapidement, quoique sans brutalité.
Dans cette visite de la ruche, il faut d’abord nettoyer tous les cadres, ainsi que les parois. Puis il faut enlever tous les vieux cadres. L’abeille a horreur du vide.
Aussi le vide laissé entre les rayons et les parois de la ruche, l’abeille travaille continuellement à le combler avec la propolis. Si on n’enlève pas cette propolis, tous les ans, tant aux cadres qu’aux parois de la ruche, dès la première année, le maniement des cadres devient difficile il sera impossible la deuxième année ou la troisième année.
À la visite de printemps, il faut donc prendre tous les cadres un à un et en gratter tout le tour pour enlever la propolis.
Il faut aussi déplacer les cadres pour pouvoir gratter aussi les parois de la ruche. Après ce travail il faut enlever tous les vieux cadres noirs. Dans les vieux cadres, les cellules sont diminuées par les pellicules que laisse chaque abeille à sa naissance. Si ces vieux cadres étaient conservés, les abeilles qui y naîtraient seraient de plus en plus petites, faibles au travail, incapables de résister aux maladies. Or ces cadres contiennent quelquefois du couvain. Il faut alors les déplacer, les éloigner du centre, attendre l’éclosion du couvain et revenir les enlever.
Ce travail mécontente les abeilles dont il refroidit les berceaux, oblige les abeilles à consommer des provisions pour réchauffer la chambre à couvain et demande un temps considérable à l’apiculteur. Aussi n’hésitons-nous pas à affirmer qu’un apiculteur seul n’arrivera pas chaque année à faire cette visite dans quarante ruches.
Or, notre méthode réduit cette visite de printemps à un travail insignifiant, qui peut d’ailleurs être fait à toute heure et par toute température, puisqu’il ne nécessite pas l’ouverture de la ruche. Il est bon de noter ici que les ruches dites automatiques ne sontréellement automatiques que chez le menuisier. Au rucher, elles ne le sont plus.
Si en hiver le volume de la ruche doit être réduit à un minimum suffisant, en été il doit fournir aux abeilles un espace largement suffisant pour le développement de la colonie et pour les apports du miel. D’où la nécessité d’ajouter des hausses. Or, il ne faut pas placer les hausses trop tôt pour éviter le refroidissement du couvain et l’arrêt de la ponte. Il ne faut pas non plus les placer trop tard pour éviter l’essaimage qui, lui, supprime la récolte. En principe, on doit placer une hausse quand tous les cadres sont occupés, sauf un, à chaque extrémité de la chambre à couvain. Il faudra souvent ajouter une deuxième hausse, quand la première est au trois quarts pleine de miel. Il faudra donc ouvrir les ruches pour constater la situation. Or les ruches ne sont pas toutes au même point. Il faudra donc souvent ouvrir les ruches plusieurs fois, d’où dépense de temps, refroidissement de la chambre à couvain, consommation de provisions, surmenage et mécontentement des abeilles.
Or, dans notre méthode, nous plaçons les hausses au-dessous et non au dessus de la chambre à couvain et sans ouvrir la ruche. Nous pouvons en placer plusieurs à la fois et aussitôt que nous voulons, même en faisant notre visite de printemps, et par toute température. D’où grande économie de temps.
En raison de ses dimensions et des visites qu’elle exige, la ruche Dadant a besoin de 18 kg de provisions pour l’hiver. Certains auteurs disent 20 kg.
Dans notre ruche 12 kg de provisions suffisent. La différence est grande.
Après cet exposé, il n’est pas nécessaire d’avoir pratiqué l’apiculture pour comprendre que dans la conduite de la ruche Dadant l’abeille est sans cesse contrariée, sans cesse obligée à un surmenage non prévu par la nature, à une consommation de miel inutile. L’abeille sera donc plus irritable ; elle sera aussi moins résistante aux maladies, et l’apiculteur y perdra quelques kg de miel et beaucoup de temps.
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