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Apiculture pour tous - Abbé Warré

Chapitre 20
La ruche vulgaire ou commune ou ruche cloche

Ses partisans

Beaucoup de jeunes amateurs d’abeilles adoptèrent la ruche moderne à cadres à son apparition. Bon nombre de propriétaires de ruches vulgaires restèrent pourtant fidèles à leur système.

La plupart sont des paysans prudents qui préfèrent la certitude, même à la probabilité. Or, les années se sont succédé sans qu’ils aient eu la preuve de leur erreur.



intérieur ruche vulgaire


Fig. 20.1:Intérieur d’une ruche vulgaire ou ruche cloche.

Voici une observation qui aboutit à la même conclusion. Dans mon village natal, chaque famille avait son rucher. Tous mes camarades d’enfance consommaient comme moi, chaque hiver, en abondance, de bonnes tartines au miel. Vingt ans plus tard, j’étais le seul à posséder des ruches. Dans quelques jardins, il y avait soit une ruche Dadant, soit une ruche Layens, abandonnée, vide bien entendu. Les propriétaires s’étaient laissé tenter par la réclame de quelque exposant dans les concours agricoles. Ils avaient cru faire mieux avec ces ruches modernes. De fait, ils avaient abandonné la seule ruche, qui leur convenait.




Ruche cloche


Fig. 20.2:Ruche cloche en osier : a – poignée ; b – petit bois ; c – enduit de pourget (mélange d’argile et de bouse de vache).


Ruche cloche

Fig. 20.3:Ruche cloche avec son surtout en paille.

Ses méthodes

Les méthodes suivies avec la ruche vulgaire sont multiples, comme les buts poursuivis par les apiculteurs. Ces méthodes restent d’ailleurs pour la plupart mystérieuses. Il est très difficile d’arriver à les connaître en détail.

En tout cas, voici ce qui se faisait au rucher paternel où se trouvaient toujours douze à quinze ruches vulgaires.

La ruche était faite pendant les soirées d’hiver, avec de la paille de seigle, cousue avec des ronces fendues ou avec de la ficelle.

Sa contenance était de 40 litres. Aux plus fortes, au premier printemps, on ajoutait en guise de hausse, en dessous, le cercle en bois d’un tamis de cuisine dont la soie avait disparu. À l’automne, on asphyxiait toutes les ruches qui pesaient plus de 25 kg. On en récoltait le miel et la cire.

Dans le cours de l’été, on recevait tous les essaims dans des ruches vulgaires vides. Au printemps, certains essaims tardifs étaient morts de faim. On en récoltait la cire.

À la maison paternelle, il y avait toujours du miel en abondance pour maîtres et ouvriers, même pour les animaux de la basse-cour. Tous les amis de la ville avaient aussi leur part chaque année.

Ce procédé était simple et peu dispendieux, mais barbare, ingrat même, et aussi irraisonné, car il ne donnait pas le maximum de production. Ce procédé, toutefois, procurait du miel à bon marché et des abeilles saines et fortes pour repeupler les ruchesmodernes où la mortalité est fréquente.

Un bon procédé

Pour tirer parti de la ruche vulgaire voici comment on pourrait opérer. Au commencement de la grande miellée, faire monter les abeilles dans une ruche vulgaire vide, comme nous l’indiquons plus loin au chapitre Transvasement. Le miel et la cire seraient récoltés et le couvain détruit.

Soyons des sages

Les événements ont poussé vers l’apiculture nombre de personnes : les unes par manque de sucre, les autres par nécessité d’un petit travail rémunérateur. Des ruchers se sont créés. Des ruchers se sont agrandis. Les petits ruchers disparaîtront certainement dès que le sucre sera revenu sur le marché libre. Il restera quand même plus de ruches que jamais. Il y aura donc une plus grande production de miel.

Or la consommation actuelle du miel se maintiendra-t-elle ? Oui, si le miel est vendu au prix du sucre, plutôt moins cher, car le sucre est le seul concurrent du miel. On n’achète pas du miel pour remplacer le beurre, on achète du miel pour remplacer le sucre.

Le miel est le seul sucre hygiénique, c’est entendu. Mais le sucre a une puissance sucrante plus forte et il est d’une manipulation plus facile.

Les optimistes nous disent que le public, obligé d’employer le miel depuis quelques années, a pu en apprécier les qualités et qu’illui restera fidèle, et aussi qu’une publicité intelligente continuera à pousser le public vers le miel. Je n’en crois rien.

J’ai fait beaucoup de publicité dans ma vie et pour le miel et pour les plantes médicinales. J’ai eu des correspondants, non seulement en France, mais dans le monde entier, en Turquie, aux Indes, en Chine, en Amérique, etc. Or, j’ai constaté que partout il y a des hommes raisonnables qui savent se soumettre aux lois de la nature et de l’hygiène, pour avoir une vie sans souffrance et une mort tardive sans douleur. Oui, mais combien peu ! La plupart des hommes, le grand nombre, préfèrent une pilule ou une piqûre à une tasse de tisane, un morceau de sucre à une cuillère de miel, quelques-uns en raison d’une économie apparente, passablement en raison de la commodité, beaucoup simplement pour faire comme tout le monde. Et comme tout le monde, ils contractent toutes les maladies possibles, comme tout le monde ils font vivre médecins et pharmaciens, comme tout le monde ils meurent plus tôt et péniblement. Un sage n’a-t-il pas écrit que les hommes se tuent en mangeant.
Les événements ont-ils changé les hommes ? Je ne l’ai pas constaté.

Donc les apiculteurs devront vendre le miel au prix du sucre pour soutenir la concurrence, et même moins cher s’ils veulent faire les nouveaux clients dont ils auront besoin.

Dans ces conditions, l’apiculture sera-t-elle encore rémunératrice ? Oui, mais à la condition d’employer des ruches économiques et de suivre une méthode économique pour obtenir du miel à un prix de revient minime. Certainement on ne peut obtenir ce résultat avec les ruches et les méthodes en vogue dont nous venons de parler. On le peut avec la ruche et la méthode que nous allons vousproposer.

 


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