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D’anciens auteurs enseignaient que les colonies d’abeilles sont gouvernées par des rois. Nous savons aujourd’hui qu’il existe dans chaque colonie une reine, ou mieux une mère, car, de fait, cette reine n’est qu’une femelle complète, fécondée, capable d’assurer par sa ponte l’avenir de la famille. Le grand chef de la colonie c’est l’intérêt général. Nous nous conformerons toutefois à l’usage : la mère de la colonie, nous l’appellerons reine.
Généralement, il n’y a qu’une reine dans une colonie. Plusieurs fois, pourtant, nous avons vu deux reines dans une colonie. D’autres apiculteurs ont affirmé en avoir vu trois. Ces exceptions peuvent se produire dans plusieurs cas. Une reine trop vieille n’a plus l’énergie d’aller tuer sa fille à sa naissance, comme son instinct l’y avait poussée antérieurement. Ou bien, on a introduit successivement plusieurs reines dans une colonie qu’on croyait orpheline. Les reines se sont trouvées séparées, poussées par les abeilles, dans des directions différentes. De fait, elles ont formé dans la colonie des groupes différents, ayant chacun les éléments d’une colonie. Cet état disparaît aussitôt que les groupes se rapprochent l’un de l’autre, soit par le développement des deux groupes, soit par l’arrivée du froid. Ledésordre créé par la sortie des essaims secondaires favorise la présence momentanée de plusieurs reines écloses en même temps.
Quand deux reines se rencontrent, elles se précipitent l’une sur l’autre. La plus forte, ou la plus habile, transperce la plus faible d’un coup d’aiguillon dans l’abdomen. La mort en est la conséquence. Parfois, les deux reines se transpercent mutuellement, comme il arrive à deux duellistes, et se tuent.
Cette antipathie existe entre toutes les reines, qu’elles soient fécondées, vierges ou même encore enfermées dans leur cellule.
Quand les abeilles élèvent des reines pour un motif quelconque, elles édifient plusieurs cellules royales, dix à quinze. Or, la reine éclose la première se hâte d’atteindre les alvéoles où ses sœurs préparent leur naissance, et elle les frappe de son dard.
Je vois là un moyen de sélection sévère, donné à l’abeille par la nature. Une seule reine est conservée sur dix ou quinze. Or, cette reine, c’est celle qui, la première, est parvenue à soulever le couvercle de sa cellule : c’est la plus vigoureuse.
Dans la visite des ruches, on voit fréquemment une pelote d’abeilles serrées fortement. Si on écarte ces abeilles par la force ou par une fumée très abondante, on trouve au milieu une reine. Une telle reineest dite emballée.
Cette étreinte des abeilles a pour cause la joie ou l’antipathie.
Quand l’apiculteur a maintenu la reine trop longtemps séparée de la colonie, quand il n’a pas favorisé assez vite la sortie d’une reine de la cage d’introduction, quand il y a pillage et danger pour la reine, les abeilles, dans leur joie excessive, s’empressent autour de la reine aussitôt qu’elles le peuvent, elles la serrent, l’étreignent et l’étouffent.
D’autres fois, cette étreinte a pour cause l’antipathie ; elle est accompagnée de coups de dards et suivie d’une mort plus rapide.
Ce fait a lieu pour les vieilles reines infécondes, peu de temps avant l’éclosion de leur remplaçante ; pour les reines dont l’apiculteur, en les conservant trop longtemps entre les doigts ou dans la main, a changé le parfum particulier qui permet à leur peuple de les reconnaître ; pour les jeunes reines qui, au retour de la fécondation, entrent dans une ruche étrangère trop rapprochée.
La colonie dépourvue de reine est appelée orpheline. Si la reine disparue n’est pas remplacée par l’apiculteur ou par les abeilles, la population de la colonie diminue rapidement, jusqu’à disparaître.
Sa présence est nécessaire puisque, seule, la reine pond les œufsdestinés à assurer la perpétuité de la famille. Aussi la nature a-t-elle pris toutes les mesures pour protéger sa vie.
L’accouplement de la reine a lieu en vol, dans les airs. Ces circonstances rendent cet acte dangereux pour un insecte aussi fragile que l’abeille. Aussi est-il unique.
L’abeille ne rencontre le mâle qu’une seule fois dans sa vie. Et plus jamais, par la suite, elle ne quittera ses rayons, si ce n’est au milieu d’un essaim qui va fonder un nouveau foyer.
La durée de la vie de la reine est de quatre à cinq ans ; c’est environ cinquante fois celle des ouvrières, nées au commencement de la miellée. Comme la poule, c’est la deuxième année qu’elle pond le plus.
Il est assez facile de distinguer les vieilles reines des jeunes. Les jeunes reines d’un à deux ans ont l’abdomen plus gros, parce que gonflé d’œufs, leurs ailes sont intactes ; leur tête et leur corps sont couverts de poils, leurs mouvements sont vifs. Les vieilles reines de trois ans sont glabres ; leurs ailes sont frangées ; leur démarche est lente.
C’est une erreur de croire que la reine dirige la construction desrayons et distribue le travail aux ouvrières. Le rôle de la reine est tout simplement de pondre.
Il n’en est pas moins vrai que la présence de la reine est indispensable à l’activité de la colonie. Vu l’importance du rôle de la reine et la gravité de sa perte, dès qu’une ruche est orpheline, les ouvrières s’inquiètent, s’appellent, courent de tous côtés à la recherche de la reine ; elles travaillent moins, elles deviennent acariâtres. La situation s’aggrave encore s’il n’y a pas dans la ruche du couvain jeune permettant d’élever une autre reine.
Aussi, dans une colonie qui meurt de faim, c’est la reine qui survit le plus longtemps, sans doute parce que la reine est plus forte et plus résistante, mais aussi parce que les abeilles lui ont réservé la dernière goutte de miel.
La reine ne possède ni les organes sécréteurs de la cire, ni les appareils de récolte du pollen et du miel.
La reine ne sait même pas s’alimenter elle-même. Si on l’enferme seule dans une boîte avec du miel à sa portée, elle meurt de faim à côté du miel.
Il paraît en être de même dans la ruche. Les ouvrières fourniraient à la reine, pendant la ponte, une bouillie déjà élaborée par une première digestion, composée de miel et de pollen ; en dehors de la ponte, du miel pur. Toutefois, d’après le docteur Miller, ce n’est pas l’ouvrière qui fait passer la nourriture dans la bouche de la mère, parce que le dégorgement de la nourriture n’est possible qu’avec la langue repliée en arrière. C’estau contraire la reine qui introduit sa langue dans la bouche de l’ouvrière pour prendre dans son jabot la bouillie toute préparée.
La reine est extrêmement timide et craintive. Le moindre bruit insolite l’effraye. Elle se cache souvent dans les recoins de la ruche où on peut l’écraser, où, en tout cas, il est souvent difficile de l’apercevoir. La reine n’ose même faire usage de son dard, sauf contre les jeunes reines.
L’aspect de la reine permet de la trouver facilement. Elle est plus grosse et beaucoup plus longue que l’ouvrière. Son abdomen, de nuance plus claire, dépasse longuement les ailes. Sa démarche est plus majestueuse. Elle se distingue également du mâle par son corps plus svelte. Le mâle a le bout de l’abdomen plus obtus et plus couvert de poils, les ailes plus longues que l’abdomen.
Dans la Ruche Populaire avec la grille à reine, nous avons un moyen mécanique, absolu, de trouver la reine rapidement sans danger pour celle-ci, et sans que l’apiculteur ait de grandes connaissances apicoles.
Dans les ruches à cadres, il y a un autre moyen qui nous atoujours réussi dans notre élevage, pour trouver rapidement un grand nombre de reines, chaque jour de la belle saison.
Pendant la saison de ponte, la reine paraît traverser chaque jour l’espace occupé par le couvain, pour pondre dans toutes les cellules libres et allonger le groupe de couvain, suivant les possibilités. À minuit, la reine doit être toujours au milieu. En tout cas, à midi, la reine est toujours à une extrémité du couvain, un jour à droite, un jour à gauche. Il importe, pour n’avoir pas de mécompte, de ne pas effrayer la reine par des mouvements trop brusques ou par une fumée trop abondante, comme aussi de remettre toujours la reine sur le cadre où elle a été trouvée. Si on n’opère pas à midi, la reine est aussi éloignée de l’extrémité du couvain que l’est de midi l’heure de l’opération.
Même sans l’avoir vue on est certain de la présence de la reine dans une ruche s’il s’y trouve du couvain d’ouvrières en larves, mais plus particulièrement en œufs nouvellement pondus et aussi si les abeilles vont et viennent, apportant du pollen au retour.
On attribue à la reine une odeur forte, tenant de la mélisse, particulière, que les abeilles de la colonie prendraient plus ou moins.
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